« Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, je crois que j’ai toujours été un entrepreneur dans l’âme », confesse Julien Cantegreil, fondateur de SpaceAble, une start-up ayant pour ambition de fiabiliser l’orbite des satellites en fournissant aux opérateurs les données dont ils ont besoin pour limiter les pannes et optimiser les trajectoires. De Normal Sup à IncubAlliance, en passant par Los Angeles, San Francisco et New York : itinéraire d’un passionné au parcours aussi riche qu’atypique !

 

Quelle a été votre trajectoire professionnelle avant SpaceAble ?

J’ai exploré pas mal d’horizons ! Rentré à l’ENS en économie, puis formé en philosophe et droit, j’ai effectué un passage en cabinet ministériel au Ministère de l’Economie avant d’entamer une carrière de chercheur, à l’ENS puis au Collège de France. Au bout de 10 ans de recherche, j’ai intégré la direction juridique de Kering où j’ai pu, pendant cinq ans, accompagner la restructuration profonde d’un groupe fortement implanté à l’international. Cette mission menée à son terme, j’ai décidé de repartir aux Etats-Unis– j’y avais étudié le droit à Yale en 2004-2005 –, à San Francisco puis à Los Angeles, pour comprendre sur place l’évolution du spatial et commencer à élaborer une stratégie en matière de données spatiales. La recherche de la bonne technologie et du bon modèle économique m’a conduit, en parallèle aux premiers travaux d’ingénierie à Paris, à passer près de deux ans comme cadre dirigeant d’une fintech new yorkaise. Je ne suis revenu complètement en France qu’il y a trois mois avec une stratégie complète sur la notion de data spatiale.

 

Autant de casquettes qui ont fait de vous l’entrepreneur que vous êtes aujourd’hui ?

Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, je crois que j’ai toujours été un entrepreneur dans l’âme ! Pas tant, comme on l’entend parfois, par goût du risque, que par passion pour l’analyse et la résolution de problèmes. Que ce soit dans mes recherches en philosophie sur les modes de raisonnements, dans mes divers engagements associatifs, ou dans mes expériences professionnelles dans les domaines de la finance ou du contentieux, mon principal moteur a toujours été de trouver des solutions d’échelle à des problèmes, comme aujourd’hui la préservation de l’environnement spatial. La seule différence aujourd’hui c’est que ce moteur, je le mets service de mon propre projet – SpaceAble – avec pour ambition de fournir toutes les données critiques pour que le marché de l’espace puisse se développer de façon durable dans l’orbite basse, sans pannes ni accidents et en optimisant les trajectoires.

 

Pourquoi alors ne pas vous être lancé plus tôt ?

Parce qu’il est impossible de se lancer dans un domaine aussi complexe sans un certain nombre de compétences : au-delà de l’ingénierie spatiale, il faut une vision scientifique, technologique, partenariale, économique, financière, de propriété intellectuelle... Il a aussi fallu attendre que le bon moment, tant pour les constellations que pour les régulations spatiales. En ce qui me concerne, il a fallu que toutes mes expériences passées convergent pour que je me sente légitime dans mon ambition avec le bon niveau de contacts. Une bonne idée ne se transforme en success story que si elle s’inscrit dans un alignement de planètes en termes d’idées, de compétences et de contexte qui ne peut se faire en un jour dans un domaine aussi compliqué que le domaine spatial.

 

Fin 2018, vous décidez donc de créer votre start-up… en France ? Pourquoi avoir fait le choix de quitter les Etats-Unis ?

Déjà, parce que quand on se lance dans le projet de sa vie, il est important de le faire là où l’on se sent chez soi. Si j’ai beaucoup appris au cours de plusieurs années passées aux Etats-Unis, j’ai toujours su que je n’y passerais pas ma vie. La qualité de l’expertise spatiale européenne a également pesé dans ma décision. Je pense en effet que l’Europe n’a rien à envier aux Etats-Unis en termes de compétences scientifiques, et dans certains aspects de la technologie. Par ailleurs, il est important que d’ambitieux projets technologiques naissent sur notre territoire.  C’est en tout cas cette volonté de donner naissance à futur grand acteur européen du spatial qui m’a poussé à poser mes valises en France !

 

Lors de votre retour en France, vous êtes-vous heurté à des difficultés ?

La création d’entreprise est un chemin jalonné d’obstacles… Cela étant, je suis toujours frappé par la difficulté à lever des fonds en France et par le manque de fluidité entre les différents dispositifs. Depuis la création de SpaceAble, nous avons par exemple dû nous appuyer quasi-exclusivement sur des financements privés. Nous avons aussi été confrontés à des difficultés en termes de propriété intellectuelle et de sécurité. Un sujet sur lequel on devrait, à mon sens, se pencher davantage. Enfin je constate qu’il est difficile de trouver en France des profils pluridisciplinaires, familiers des dimensions scientifiques et techniques mais aussi financières avec une expérience de startup au sens que ce terme a à San Francisco ou New York.  

 

Quel a été pour vous l’apport d’IncubAlliance ?

IncubAlliance constitue pour moi un lieu de prise de recul. Avec une équipe de 15 salariés en CDI et un conseil scientifique et un conseil d’administration avec lesquels j’échange de manière très fluide, j’ai la chance de ne pas être seul pour mener mon aventure. J’ai trouvé chez IncubAlliance un espace de test, d’analyse et de conseil qui m’aide à « challenger » mes intuitions. Un lieu qui à mon sens est indispensable pour consolider un projet.

 

Aujourd’hui, quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur ?

D’être tenace quels que soient les inévitables obstacles qui se présenteront sur sa route, de toujours rester ouvert à la nouveauté et de miser sur la diversité au moment de constituer son équipe. Chez SpaceAble, nous avons la chance de compter parmi nos salariés des profils de nationalités, de formations et d’âges différents, ce qui nous permet, par fertilisation croisée, d’apprendre énormément les uns des autres. Je ne peux donc qu’encourager cette diversité à laquelle, pour ma part, je crois profondément !

 

Pour en savoir plus sur SpaceAble : https://spaceable.org